les rp abandonnés

Cette nuit, exceptionnellement, Anna n’avait pas passé une nuit blanche à vider des verres dans des bars et à tendre l’oreille à tout murmure. Pourquoi ? Parce qu’être bloquée sur une île sans avoir rien à faire n’était pas une raison pour perdre ses bonnes habitudes. Son métier ne lui laissait pas le choix : sa forme physique devait être parfaite, et ses techniques aiguisées à l’excès. Elle avait donc passé une nuit à dormir, afin d’être dans une forme optimale pour son entrainement. Cela n’avait pas manqué de surprendre Lauryn, qui n’avait cependant pas bronché. Elle avait remarqué que la jeune femme semblait fatiguée, et apprit avec un grand amusement qu’un nouveau venu avait décidé d’annoncer son arrivée à tout le quartier. Son sourire avait grandi tandis que Lauryn lui décrivait les musiques et le raffut. Elle aurait bien aimé être là, mais cette fois-là, elle était encore partie en vadrouille toute la nuit. Si le quartier était autant animé, elle devrait songer à y rester plus souvent. Ce nouveau venu avait l’air… divertissant.

Anna se leva relativement tôt, mais ne se rendit à la salle qu’en fin de matinée, car elle avait quelques choses à faire. Elle dut en effet aller racheter de quoi s’entraîner. Tout était de très bonne qualité. Comme par hasard. Ces enfoirés de Fil Rouge semblaient posséder un budget immense, voire infini. Elle trouva tout ce qu’il lui fallait : des baskets aux brassières, en passant par les gants de boxe et les bandes de tissu. Plus qu’à localiser le complexe sportif. Qui se trouvait évidemment dans la zone des loisirs. Elle connaissait mieux le coin des bars, mais bon.

En s’y dirigeant, elle croisa comme d’habitude des couples mièvres et des groupes d’amis aussi intelligents que des huîtres puisqu’ils semblaient absolument heureux sans limite. Elle fronça les sourcils. Les Imparfaits, comme on les appelait, étaient à sa connaissance bien trop peu. La futilité de l’existence qu’entendaient mener ces gens aurait dû en révulser plus d’un. Pourtant, la majorité des enlevés se plaisait dans cette immense cage dorée. Cela la dégoutait. Abandonner sa liberté aussi facilement la dégoutait. Elle voulait être libre. Si son métier ne l’y obligeait pas, elle aurait depuis longtemps quitté l’île. Ou fait du grabuge. Mais elle restait sage. Car telle était sa putain de mission.

Elle arriva finalement à la salle. Personne dans les vestiaires propres à l’excès. Les filles ne semblaient pas se soucier de leur forme physique. Sans doute préféraient-elles s’adonner aux nombreux loisirs qu’offrait la ville. Tant mieux, après tout. Personne dans les pattes, elle pourrait se donne à fond. De toute façon, même sans être agent, elle était officiellement une flic. Et un flic, ça garde la forme. Elle enfila son débardeur et son legging, laissant apparent son large tatouage.

Elle entra dans la salle, commença à s’échauffer. Tandis qu’elle faisait quelques mouvements préventifs, un homme entra à son tour. Finalement, elle ne serait pas seule. Il arborait une ardente chevelure rouge et un débardeur qui se remarquait de loin, affichant des groupes de métal, de ce qu’elle en aperçut. Un métalleux, hum ? Elle fit aussitôt le lien avec ce que lui avait raconté Lauryn. Se pouvait-il que… ? Si c’était lui, il marquait un point. Il lui adressa un salut en souriant, auquel elle répondit par un petit signe de tête. Elle l’observa monter sur un tapis de course avant de retourner à ses affaires. Elle sentait que ses muscles étaient prêts à l’effort. Il était temps de commencer les festivités.

Elle trouva un sac de frappe non loin, et commença à y travailler. De petits coups d’abord. Puis des rapides. Puis des puissants. Le sac vola facilement. Elle enchainait les coups de poings avec aisance, mais sentait que ce n’était pas assez. Elle abandonna le style classique et s’amusa à donner quelques coups de coude, de genoux, de pieds. Pauvre sac. Incapable de se défendre, et c’était bien le problème. Elle avait besoin d’aiguiser ses réflexes. Frapper juste et fort n’était pas un problème. Parer et éviter correctement en était un. Surtout quand on manquait d’entrainement. Malheureusement, sur cette île, pas de club ou de partenaire de jeu. Elle n’allait pas demander à Lauryn d’essayer de la frapper. Trop lente, de toute manière.

Au bout de vingt minutes, elle s’accorda une pause de plus de trente secondes, cette fois. Elle avait besoin de boire. Et merde. Elle jeta un regard à son sac, tout en sachant que c’était inutile. Elle avait oublié de prendre de l’eau. Quelle conne. Elle soupira, irritée par sa propre idiotie. Elle devait boire si elle voulait continuer. Et elle voulait continuer, bordel. Elle avisa l’inconnu aux cheveux écarlates qui lui aussi prenait une pose, et qui lui n’avait pas oublié sa boisson. Hum. Après tout, ça ne coûtait rien de demander. Elle retira ses gants et défit ses bandes, laissant respirer ses mains, et se dirigea vers l’homme, qui la fixait depuis quelques secondes. Elle s’arrêta devant lui, s’assit en tailleur et demanda :

- Excuse-moi, mec, j’ai oublié de prendre à boire. Tu peux faire tourner ?

Ce gars avait l’air épuisé.

L'homme la regarda venir à lui avec, elle le sentit, une sorte d’intérêt dans les yeux. Elle le fixa à son tour. Il semblait relativement sportif, mais à en juger son état, il devait en être sa première fois depuis un bout de temps. Sinon, il serait moins transpirant, sans aucun doute. Lorsqu’elle s’assit devant lui, il retira son casque afin de pouvoir l’entendre. Au volume du métal sortant de l’objet, elle s’étonna qu’il ne soit pas aussi sourd qu’un vieux de 90 ans, mais en déduisit également que son hypothèse semblait juste. C’était lui, le nouveau dans le quartier. Elle l’observa sans rien dire, intéressée. Il semblait plutôt jeune, et aussi explosif que sa coupe de cheveux. Qu’il ait tenu le quartier éveillé une nuit entière ne l’étonna pas. Il semblait débordant d’énergie. Sans doute était-ce la lueur ardente qu’elle percevait dans ses yeux verts qui lui donnait cette impression.

Il lui répondit tout d’abord par un sourire éloquent puis lui tendit sa bouteille d’eau. Elle eut un petit sourire en coin à son tour. Un jeune lion, à tout point de vue.

- Vas-y fais toi plaisir. Puifff… soupira-t-il. Tu bouges vites et tu tapes fort, haha… J’aimerais absolument pas être à la place du sac de frappe, tu m’aurais brisé en deux. Sinon je suis Caesar Deodal, si j’avais eu quelqu’un comme toi comme garde du corps à la place de ces amateurs, jamais je n’aurais terminé ici je crois.

Elle but quelques gorgées avant de reposer la bouteille au sol et de répondre. Bordel ce que ça faisait du bien de boire. Elle écouta ses paroles avec un léger sourire flottant sur ses lèvres, puis répondit :

- Merci, je crevais de soif. J’m’appelle Anna. Mais rassure-toi, mec, t’as l’air plutôt solide. Je t’aurais peut-être juste cassé un bras, ajouta-t-elle avec un sourire malicieux. Mais me surestime pas : moi aussi, j’me suis fait prendre.

Volontairement, certes. Mais ça, il n’était pas censé le savoir. Personne ne l’était. Elle nota cependant un détail de sa phrase qui la poussa à demander :

- T’avais des gardes du corps, toi ? T’es quoi ? Une rock star ou un fils de millionnaire ?

La première hypothèse lui semblait plus vraisemblable, bien sûr, mais on n’était jamais à l’abri d’une petite surprise. Un fils à papa rebelle à l’excès, ça existait aussi. Le dénommé Caesar s’étira un instant avant de continuer :

- Bon je présume que tu n’es pas du CFR ou FR… Quelqu’un qui a un look aussi classe et qui est aussi sexy, je l’aurais vu au centre ! T’es dans la même merde que nous ? Enfin j’te force pas à répondre… Mais tiens, comme tu sais casser des gueules, ça te dirais de m’apprendre à me protéger pour éviter que quelqu’un d’aussi balaise que toi me casse la gueule ?

Il aimait bien parler, celui-là. Evidemment qu’elle ne faisait pas partie de ces petits enfants de salauds de FR. Elle lui jeta un regard perçant en réponse à son compliment de passage, un sourire provocateur plaqué sur le visage. Un vrai métalleux, à ce qu’elle voyait. Qui aimait bien les femmes, et pas timide pour un sou.

- Dans la même merde, en effet… J’suis de ta rue, je crois bien.

Sans faire plus d’allusion à ce que lui avait raconté Lauryn, elle continua :

- Te protéger ? Tu sais pas te battre ? Remarque, avec des gardes du corps, quel intérêt ? J’pourrais y réfléchir… J’ai besoin d’un partenaire pour garder mes réflexes. Parce que tu vois, le sac là-bas, il bouge pas. Tu sais bouger ?

L’heure de la pause était finie. A défaut de mettre un terme à la conversation, elle se releva.

- Si t’as pas peur de te prendre quelques mandales, après tout, pourquoi pas… Mais j’te préviens, je suis pas douce. Et j’ai jamais été prof.

Il y avait donc une première fois à tout. Il s’agissait là d’un échange de bons procédés.

Il semblait de plus en plus à Anna que son interlocuteur la fixait avec insistance. Elle ne le releva cependant pas. Ce qu’elle ne put s’empêcher de remarquer, en revanche, fut l’absence de réponse du jeune homme à sa petite blague sur ses gardes du corps. Il semblait terriblement déçu. Anna leva un sourcil, perplexe. Avait-elle touché un point sensible ? Elle sourit. Alors comme ça, une petite star, hein… qui semblait pourtant oubliée. Ou peut-être qu’elle ne le connaissait juste pas. Le milieu du métal n’était pas connu de tous, après tout. Qu’il soit réellement un joueur de métal ne l’étonna pas. Il en avait tout l’air.

- J’en déduis que t’es une rock-star, dit-elle simplement. Pas surprenant, vu ton look.

Alors qu’elle s’était relevée, Caesar afficha un air de défi avant de se diriger vers ses gants et de lui lancer. Elle les attrapa au vol, un sourire au lèvres. Ça voulait sans doute dire oui. Elle ne les enfila pas tout de suite. Autant transpirer dedans le moins possible. Ça tenait chaud, ces merdes. Tout allant chercher une paire pour lui, l’homme se lança dans une grande tirade vantant ses capacités d’endurance qu’il dédiait à la musique.

- Tu fais que parler, répliqua-t-elle, moqueuse. On verra ce que tu vaux en action contre « Terminator ».

Il revint vers elle et lui lança un regard provocant avant de lui tirer la langue. Elle ne quitta pas les gants qu’il avait pris des yeux, la mine sarcastique. Lui commença à s’agiter, surexcité, et s’écria :

- LOL, je me sens comme un boxer de … mon niveau qui va affronter Mike Tyson. Ca m’existe grave ! IT’S A NEW CHALLENGER !!! Tu connais Tekken ?
- Nope. Mais tes gants sont mal attachés, petit newbie.

Le jeune homme se mit en position de combat. Anna, posément, enfila ses gants sans mettre ses bandes, sachant d’avance qu’elle ne pourrait pas cogner au maximum de sa force. De toute façon, seule la vitesse et la réactivité importaient ici. Elle observa les mouvements de Caesar. Ça ressemblait à de la savate. Pas bête pour une position défensive. A condition de maitriser le sport. Ce qui, clairement, ne semblait pas être le cas, songea-t-elle en esquissant un sourire. Soudain, il se redressa.

- STOP ATTENDS ! s’écria-t-il avant de courir arrêter sa musique, qui continuait jusqu’alors de s’élever de son casque.

A la place, il lança un lecteur CD qui diffusa d’autres musiques au rythme aussi effréné que les précédentes. Puis il courut se remettre à sa place en s’excusant.

- J’vois pas trop la différence avec ceux d’avant, mais t’as du cran de mettre ça dans les oreilles juste avant que je cogne. Parce que ça donne du punch, crois-moi.

Il était de nouveau en position. Elle nota qu’il était attentif à ses mouvements, à sa respiration.

- Bien, murmura-t-elle tandis que ses yeux semblaient changer, devenant aussi acérés que ceux d’un prédateur. Un bon début.

Elle recula, comme si elle avait oublié elle aussi quelque chose, avant de soudainement envoyer son poing droit dans le ventre de son adversaire et de reculer aussitôt. Elle n’avait pas voulu frapper trop fort pour commencer, et ne fit qu’une simple touche. A bonne distance de lui désormais, elle lui tournait autour, sa garde levée.

- Mais souviens-toi d’une chose : en combat réel, tous les coups sont permis. Personne ne te laissera te mettre en garde. Tout est dans la surprise.

Tout en parlant, elle était attentive au mouvement des poings du jeune homme. Ne jamais cesser d’être à l’affut. Telle était la première règle si l’on voulait survivre.