Leo s’était fait enlever. Du jour au lendemain, sa vie avait drastiquement changé. Le temps d’une sieste, son monde s’était métamorphosé. Mais, il ne paniquait pas. À vrai dire, il avait déjà envisagé qu’un jour, il pourrait se faire enlever. Une farce ou l’envie d’une rançon de la part de ses parents. Les possibilités n’étaient pas inexistantes. Et Leo n’était pas aussi naïf que croire qu’il vivait dans un monde sans danger. Cependant, il ne s’était jamais imaginé qu’il se ferait enlever pour vivre sur une île soi-disante paradisiaque. Le paradis, ça ne l’intéressait pas. Il n’était pas du genre à s’émerveiller avec ce genre de fable. Il préférait vivre dans le monde réel. Ou plutôt, il n’avait pas assez d’énergie pour songer à une vie meilleure. Son quotidien lui allait parfaitement, il n’avait pas besoin de chercher plus.

Du coup, Leo avait quitté sa terre natale et s’était retrouvé sur une île au milieu de nul part. Il ne savait même pas dans quel océan il se trouvait. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il avait déjà envie de rentrer. Cela ne l’amusait pas. En même temps, un enlèvement n’avait jamais rien d’amusant. Mais il s’était attendu à quelque chose de plus intéressant. Et de moins contraignant surtout.

Néanmoins, il pouvait toujours dormir. Des gens lui avaient attribués une maison, et depuis, il l’avait quitté que très rarement, préférant passer ses journées à dormir. Il se disait que peut-être que s’il ne participait pas aux activités et ne faisait que de dormir, les gens perdraient patience et le renverraient chez lui en avance.

Aujourd’hui, il avait décidé de s’étaler sur le canapé, car oui, il aimait bien changer ses endroits pour dormir, histoire que ça ne devienne pas lassant non plus. La musique dans les oreilles, il s’était endormi à peu près pendant la troisième chanson et n’avait pas bouger de là pendant plusieurs heures, profitant d’un sommeil sans rêves.

Malheureusement, tout avait une fin. Leo finit par se réveiller. Et quel réveil… Il y avait bien une chose qu’il détestait par dessus tout, et c’était qu’on le réveille. Mais alors qu’il y avait des techniques de réveils qui ne l’énervait pas tant que cela, celui qu’il vécu à cet instant fut une horreur.

L’allemand n’avait jamais été une voix agréable à entendre pour Leo. Bien qu’ayant quelques ressemblances avec le norvégien, il trouvait la sonorité de cette langue complètement barbare. Alors, quand il entendit de l’allemand être crié tout près de lui puis qu’il sentit des coups dans le canapé où il se trouvait, il eut des envies de meurtre. Qui était le bâtard qui l’avait réveillé de la sorte ?

Il ouvrit les yeux directement et regarda froidement la personne qui l’avait réveillé. Et… Il le sentit. Ce fameux lien. Il avait entendu parler qu’il allait rencontrer son âme-soeur, ce à quoi, il avait bien rit, mais désormais, il ne riait plus. Pourquoi il y avait un mec chez lui ? Et pourquoi il avait l’impression d’être proche de lui ?

Leo se releva lentement, s’asseyant sur le canapé, et fixant toujours son “âme-soeur” avec un regard froid. Il avait l’impression que quelqu’un lui faisait une très mauvaise blague. Et restant un peu dans cette psychologie, il choisit de faire semblant de prendre la situation à la légère.


lâcha-t-il en anglais (en espérant qu’il comprenne) sur un ton froid ponctué d’un léger rire.

À quoi Leo s’était-il attendu quand il avait sorti cette remarque ? Pas grand chose. Il l’avait surtout dit pour extérioriser son mécontentement. Un mécontentement qui avait l’air d’être partagé avec l’autre personne présente dans la pièce. Cela était même une évidence quand l’autre se retourna vers Leo. Il ne riait pas non plus et ne semblait absolument pas apprécier la plaisanterie. Quel ennui.

Peut-être que Leo aurait préféré que l’autre se mette à rire, ou bien lui avoue que tout ça était une blague, cela aurait donné une dimension moins sérieuse à la situation. Comme si cette histoire d’âme-soeur était du grand n’importe quoi. Mais, ce ne fut pas le cas, et l’énervement de l’autre montrait qu’il y avait une part de vérité dans tout cela.

Cela énervait Leo. Mais alors que l’autre montait sur ses grands chevaux, grognant son insatisfaction, Leo restait calme. Il n’était pas du genre à s’emporter, après tout. Son déplaisir se manifestait essentiellement en colère froide. Seul le ton de sa voix le trahissait dans ce genre de contexte.

Toujours confortablement installé dans le canapé, Leo fixait l’autre, penchant sa tête légèrement sur le côté. Un sourire narquois se dessina lentement sur ses lèvres, signe distinctif qui avertissait l’autre que la suite n’allait probablement pas lui plaire.



Cette fois-ci, il avait réussi à diminuer la froideur dans ses propos, feignant à la place une légère surprise.

Pourquoi faisait-il ça ? Tout simplement car sur le coup, ça l’amusait. L’autre avait l’air d’être déjà bien remonter, donc un peu plus ou un peu moins, qu’elle était la différence ? De plus, il fallait bien qu’il passe ses nerfs sur quelque chose, l’autre était donc la victime parfaite.

Le moment où ce fut la goutte de trop pour l’autre fut facilement reconnaissable. Il ne cherchait pas à cacher ses émotions, non plus. Cependant, même si Leo avait clairement remarqué qu’il rendait l’autre fou de rage, il resta sur place, ne cherchant pas à fuir son courroux. Premièrement, parce qu’il avait beaucoup trop la flemme de faire un autre mouvement, et deuxièmement, parce qu’il avait envie de tester les limites de ce lien. Il avait été informé à son arrivé qu’il était là pour vivre avec son âme-soeur, avec qui il ne pourra jamais être en conflit. Alors, il avait envie de tester cette vérité. Voir si cela pouvait vraiment être possible. Et puis, si cela n’était pas possible, il recevrait un coup. Mais cela ne le dérangeait pas plus que ça. On ne pouvait pas dire qu’il ne l’aurait pas mérité.

Mais, il ne sentit rien. Ou du moins, juste du vent. C’était à cela que s’était résumé la colère de l’autre. Du vent. C’était… pitoyablement risible.

Leo regarda le poing qui s’était arrêté tout près de lui puis finit par l’écarter d’un geste las. Son regard passa alors lentement du poing jusqu’au visage de l’autre et… Il éclata de rire. Un rire froid et moqueur.

Il avait sa réponse désormais. Ils ne pouvaient pas se faire de mal. Ce qui l’arrangeait pas mal. Il n’avait jamais été un combattant, alors passer un an à se battre avec l’autre aurait été problématique. Mais, maintenant, il pouvait avoir l’esprit tranquille.

Il se rallongea alors sur le canapé, un sourire satisfait sur son visage.



Son ton de voix avait perdu de sa froideur mais elle restait tout de même pas amicale. Il ne voulait pas être amical avec lui de toute façon. D’où le manque d’effort pour faire la conversation. À vrai dire, il espérait même que l’autre allait le laisser tranquille à partir de maintenant. Le meilleur scénario pour lui était même de vivre dans cette maison sans avoir à croiser l’autre. Comme deux fantômes ne vivant pas dans la même dimension.

L’autre le laissa tranquille pendant un moment, probablement en train de réfléchir à la situation. Et quelle situation… Plus les secondes défilaient, plus Leo détestait cela. Il avait presque l’impression que le karma lui jouait un tour. Après avoir été horrible avec ses proches, la vie se vengeait et le forçait à vivre ce cauchemar. Pendant un instant, il eut la pensée absurde que c’était vraiment une vengeance de toutes les personnes qu’il avait malmené, que tout avait été organisé par eux, mais, cela semblait être énormément tiré par les cheveux, et il mit bien vite cette idée de côté.

Alors que Leo se disait finalement que l’autre allait vraiment se mettre à l’ignorer, celui-ci lui demanda son nom. Pour au moins faire semblant. Mais, Leo n’avait même pas envie de faire semblant. Ou en tout cas, pas avec lui. Il hésita un instant à répondre avec une remarque railleuse mais s’abstint au dernier moment. Il n’avait pas non plus envie de compliquer encore plus cette situation. Alors, il répondit simplement.



Il n’avait pas besoin de dire plus. Cela était assez clair comme cela.

S’ensuivit alors un silence. Mais un silence peu agréable. Des non-dits flottaient dans l’air, rendant l’atmosphère pesante. Leo tenta d’ignorer cette sensation désagréable, souhaitant fuir ses problèmes grâce au sommeil, mais il n’y arriva pas. Il voulait dire quelque chose d’autre. Il devait dire quelque chose d’autre. Histoire de mettre les choses complètement au clair et ne pas avoir des malentendus énervants par la suite.

Il se releva donc du canapé, mais cette fois-ci complètement, et se dirigea vers la fenêtre où se trouvait le fameux Hippolyte. Il s’appuya contre le mur à côté de lui, le fixa dans les yeux et croisa les bras.

La remarque de Leo fit rire Hippolyte. Comme s’il venait de sortir la meilleure de blagues. Ce qui était peut-être le cas pour l’autre ? En tout cas, même si Leo avait été sérieux quand il lui avait dit ça, il ne prit pas mal le fait que l’autre se mette à rire. Mais ce qu’il apprécia moins, ce fut quand Hippolyte sorti une cigarette et se mit à fumer comme si c’était la chose la plus normale à faire dans la maison. Alors oui, la fenêtre était ouverte, mais l’odeur pouvait toujours s’imprégner dans les tissus de ses vêtements, et ça il avait du mal à le supporter.

Il hésita pendant un moment à la lui prendre et la jeter par la fenêtre, mais cela impliquait toucher la cigarette et s’approcher de lui, ce dont il n’avait pas envie. Il préférait garder ses distances avec lui. Comme s’il avait la lèpre.

Et puis, ce qu’Hippolyte lui répondit le fit passer sur un sujet qu’il trouvait plus intéressant.



La moquerie pouvait clairement se percevoir dans ses propos. Il trouvait cette attitude pitoyable. Lui, enfant choyé depuis sa tendre enfance, lui, qui dépensait son argent à la moindre envie. Il était loin d’avoir cette attitude. Celle d’être avide d’argent. Dû au fait d’être né dans une famille riche, il avait fini par voir l’argent comme une chose peu importante, tout aussi utile que n’importe quel objet du quotidien. Pas de quoi en faire un cirque.



Bien que cela aurait pu être compris comme une blague, Leo avait une attitude sérieuse, presque condescendante. Pour lui, si quelqu’un était prêt à vivre cette expérience pour l’argent, il était également prêt à s’occuper des tâches ménagères. Alors, il était évident qu’Hippolyte se charge de ça. Après tout, ce n’était pas Leo qui allait s’en occuper.