Le temps est bon, le ciel est bleu J'ai deux amis qui sont aussi mes amoureux
LEO & LUX
L’eau et la mousse envahissent la salle de bain, comme une jungle luxuriante qui les engloutit.
Ce désordre ambiant ; quand les choses ne sont pas là où elles devraient être ; rassure un peu Lux. Bien qu’elle ne soit toujours pas à l’aise dans une salle de bain, bien qu’elle déteste toujours ces lieux : à l’exception de la faïence sur les murs. Mais tu sais, peut-être qu’aujourd’hui elle allait pouvoir nuancer son aversion pour la baignoire. Ou alors, ce sera pire.
Les bras de Leo surgissent de la mousse et l’encercle. Prise au dépourvue elle ne peut rien faire et là voilà entre les tentacules du kraken : il l’entraine tout droit dans son antre tapis au fond de l’océan. Elle exagère à peine. Elle ferme les yeux, plissant fortement les paupières : pendant plusieurs minutes.
« Je !! Je !!! OK ! J’arrête de respirer ! Maintenant ! Si je meurs ce sera de ta faute ! »
Elle prend une grande inspiration alors que la mousse coule le long de ses cheveux. Elle devient progressivement rouge, retenant son souffle le plus longtemps possible. Mais bon, pas trop d’inquiétudes à avoir, on a pas encore vu quelqu’un se suicider en refusant de respirer.
Elle ouvre un oeil pour tomber sur le visage stoïque de Leo, quoiqu’il arbore un sourire : un mélange de satisfaction et de sadisme. De toute évidence, il ne cédera plus à ses caprices.
Finalement, inexorablement, elle ne tient plus et dégonfle brutalement ses joues.
« Je t’aime autant que je te déteste ! BEAUCOUP TROP !! »
Tu en es témoin, c’est ce qui se rapproche le plus de la colère chez elle. Plus inoffensive qu’une mouche, elle n’est pas capable de blesser volontairement (VOLONTAIREMENT, CE MOT EST TRÈS IMPORTANT) quelqu’un, que ce soit physiquement ou verbalement.
Elle soupire bruyamment, lançant des regards assassins à Leo : un peu noir, mais sur un visage aussi angélique que le sien, ni toi, ni moi n’y croyons beaucoup. Dés que l’eau bouge autour d’eux, elle se crispe encore plus. Il lui faut encore quelques instants pour accepter son sort. Voilà, tu y es, dans cette maudite baignoire.
« PFFF. TU M’ÉNERVES. »
Et plus elle en fait, plus il semble satisfait. Elle songe à décroiser les bras d’au-dessus de son t-shirt. S’il est une véritable torture de prendre un bain, c’est encore pire avec un tissu à moitié mouillé sur elle. Elle attrape le col avec ses dents et enlève, en faisant de grands gestes, le vêtement. Pour le balancer au milieu de la mousse jonchant le sol de la pièce.
« Si tu penses que je vais me laver, tu peux toujours attendre 10 … non, 100 ANS ! »
Elle lui tire la langue, bougonnant, croisant de nouveaux les bras sur ses seins nues, cette fois. Et puis elle remarque l’extrémité de ses doigts qui commencent à flétrir comme des vieilles fleurs.
« MAIS REGARDE ! »
Elle lâche alors sa poitrine pour venir coller ses mains devant la figure de Leo, s’écroulant à moitié sur lui.
« Si je reste là, je vais devenir ENTIÈREMENT fripée, comme ça ! Et toi aussi ! »
Leo sait probablement que non. Elle le sait aussi. Mais bon, elle aura essayé.
Plus Lux se débattait, plus cela faisait rire Leo. Un comportement peu sympathique venant de sa part, mais ce n’était pas comme si le spectacle que lui offrait Lux n’était pas comique. Cela était également intéressant de voir Lux montrer une réaction plus humaine que d’habitude. Fini les paroles en énigmes, les mots qu’elle prononçait dorénavant avaient une suite cohérente, bien que plus brutaux. Mais Leo ne flanchait pas. Il l’observait faire son caprice comme si c’était la chose la plus amusante au monde.
Puis vint des paroles qui le perturbèrent pendant un moment. Que voulait-elle dire par “Je t’aime autant que je te déteste ! BEAUCOUP TROP !!” ? Leo aurait aimé la reprendre sur ça, en savoir plus sur la signification mais abandonna l’idée. Vu son état, elle ne savait sans doute pas ce qu’elle disait. Elle avait probablement lancé ses mots sans réfléchir à leur sens. Elle n’était peut-être pas non plus familière avec le sens donné à ces mots. Cela n’étonnerait même pas Leo.
Alors que Lux enlevait son t-shirt, Leo la regarda faire avec un pincement aux lèvres. Mordre le t-shirt pour le retirer ne lui semblait pas être une bonne idée, que cela soit au niveau de la praticité ou bien à cause du fait qu’elle abimait le t-shirt en faisant ça. Mais bon, c’était inutile de faire une remarque là-dessus.
Il soupira légèrement. S’il n’avait pas laissé le sous-vêtement de Lux, elle se serait retrouvée complètement nue sur lui, et honnêtement, il ne savait pas comment qualifier cette situation. Contrairement à tout à l’heure sur la plage, il observa avec curiosité Lux de haut en bas, ne posant pas non plus son regard trop longtemps sur elle. Bien que son caractère était peu recommandable, on ne pouvait pas dire qu’elle n’était pas plaisante à regarder.
Un léger rire sortit de sa bouche quand Lux se plaignit encore puis il lui répondit enfin avec un ton débordant de sarcasme.
« Oh la la, mais quelle tragédie. »
D’un bras, il garda Lux maintenu par la taille tandis que sa main libre vint attraper l’une des mains de Lux. Doucement, il approcha la main près de ses lèvres et déposa un baiser sur ses doigts, un léger sourire dessiné sur son visage.
Trouvant que sa position était très peu confortable, Leo se releva légèrement pour s’asseoir dans la baignoire, son visage se retrouvant dès à présent au même niveau que celui de Lux. Mais alors qu’il tentait d’ignorer les réactions de son corps dû au fait que Lux était littéralement assise sur son entrejambe, il lâcha la main de Lux et fit parcourir ses doigts le long du bras de la jeune fille, remontant lentement vers son visage. Ses doigts finirent leur parcours dans les cheveux de Lux, massant doucement sa tête.
« Je n’ai jamais dit que tu devais te laver. Ça ne me gêne pas de le faire pour toi. »
Le temps est bon, le ciel est bleu J'ai deux amis qui sont aussi mes amoureux
LEO & LUX
Sans même s’en rendre compte, l’énigme de l’un devient la vérité de l’autre, oscillant entre la tendresse et l’indifférence, le + le - L’équilibre : si fragile.
Il va bientôt être temps de répondre à une question, une question que tu te poses depuis le début : ne fait pas semblant. Une question à laquelle je n’ai pas totalement la réponse non plus. Une question que Lux ne se pose pas vraiment. Toi, tu la vois à travers son innocence présumée, sa prétendue naïveté : son existence comme à travers un voile candide. Pour moi, c’est une adorable poupée qui joue selon aucune règles, sauf les siennes, qu’elle invente au fur et à mesure.
Mais, sans pouvoir expliquer clairement pourquoi ; et tu te doutes bien que le fait de ne pas pouvoir identifier précisément l’origine d’un phénomène est source d’une grande frustration pour Lux ; elle sent que le regard, le contact de sa main sur sa peau, changent : comme un vent tiède viendrait doucement faire tourner la girouette vers une direction qu’elle n’avait pas prévue de prendre.
Elle frisonne légèrement, mais son corps à elle est chaud : comme celui de Leo.
L’équation n’est pas si difficile à résoudre : et de toute façon jamais un problème mathématiques n’a su lui résister. Elle le fixe avec de grands yeux alors qu’au final tout se met en place dans sa tête. Mais comment a-t-elle fait ? Au début, c’était son jeu. Elle allait le débusquer et s’appliquait scrupuleusement à ne pas lui lâcher les baskets jusqu’à ce qu’elle se trouve, d’elle-même, autre chose à faire. Et, tout à fait inexplicablement, c’est lui qui ne veut plus la lâcher.
Et soudainement, une petite boule d’angoisse se forme dans son ventre : maintenant que ce n’est plus elle qui a le contrôle ; car malgré l’extravagance de son délire, Lux reste une scientifique, qui d’instinct veut tout comprendre et tout maîtriser ; que va t-il faire ? Exécuter son désir de vengeance, ça c’est plutôt clair.
Et là, c’est à toi que je m’adresse : il est difficile de savoir où s’arrête la sincérité d’une personne, mais généralement, elle s’achève là où son égocentrisme nait. À cet instant, il est impossible pour nous de savoir si Leo la veut pour ce qu’elle est réellement ou juste parce qu’il ne l’a pas encore. Regarde bien, parce qu’il n’y a plus de marche-arrière possible. Et à la fin je te dirais « je te l’avais bien dit. »
« C’est la seule solution ! Mais ne vas pas trop vite. »
Hein ?
« Tu vois, c’est comme si tu t’échouais sur une île déserte et que tu regrettais de voir les secours arriver. »
Elle rit, c’est d’autant plus vrai qu’ils sont là : perdus sur une île, pas vraiment déserte mais qui n’a rien d’autres à leur offrir que tout un tas de gens qui vont compter, et puis qui un jour, ne compteront plus. C’est comme lorsqu’elle trouve la solution, quand il n’y a plus rien à chercher. C’est un moment où elle se sent vide : ni triste, ni heureuse. Elle voudrait bien que ça n’arrive pas avec Leo, mais elle ne peut pas échapper à l’inévitable.
« L’important, c’est qu’on ne s’ennuie pas, non ? »
Elle lui offre un sourire qui cache bien tout les doutes qui ont pu s’immiscer en elle.
Pendant un instant, Leo observa Lux avec une légère incompréhension, s’arrêtant même en plein mouvement. Que venait-elle de dire ?
Il cligna des yeux rapidement, histoire de remettre ses idées en place et… ah ! elle parlait de la laver. Oui, certes. Ce n’était pas comme si Leo était rapide dans tout ce qu’il faisait. Son manque d’énergie l’empêchait de l’être de toute façon.
Il réfléchit à l’exemple que venait de donner Lux. Regretter l’arrivée des secours ? Leo n’arrivait pas à concevoir cette idée. Il aimait quand toute chose avait une fin. C’était le seul moyen pour pouvoir passer à autre chose et ne pas se noyer dans l’ennui. Et au fond, Sindety n’était pas différent. Au bout d’un an tout cela prendrait fin. Leo pourrait passer à autre chose. Est-ce qu’il avait hâte que tout cela se termine ? Oui et non. La situation l’énervait mais il y avait certains aspects qu’il appréciait, de plus, il n’avait pas besoin d’attendre impatiemment que cela se termine étant donné qu’il était certain que cela se terminerait un jour. Enfin… C’était ce que le Fil Rouge disait. Que tout serait fini dans 1 an pour lui.
Leo répondit au sourire de Lux par un autre sourire et lui demanda sur un ton faussement choqué.
« Oserais-tu dire que l’on s’ennuie avec moi ? »
À sa place, Leo aurait répondu “oui”. Il ne se faisait pas de d’illusions là-dessus. Il avait bien conscience que sa compagnie pouvait parfois être ennuyante. Mais, est-ce qu’il avait envie de faire des efforts là-dessus ? Absolument pas.
Lentement, il continua de masser la tête de Lux, puis quand la mousse se fit de plus en plus importante il s’en débarrassa avec le jet d’eau, vérifiant tout de même la température avant de faire couler l’eau sur la tête de la jeune fille. Il fit également attention à ce que la mousse n’aille pas dans les yeux de Lux, si bien qu’il avait l’air sincèrement concentré sur ce qu’il faisait. Puis, sa tâche accomplie, il sourit, satisfait de lui.
« D’ailleurs Lux… Vu que je m’occupe de te laver, tu n’as rien à faire, non ? Tu ne risques pas de t’ennuyer ? »
Il attrapa doucement une de mes de Lux et continua de parler avec son nonchalance habituel.
« Tu pourrais… Je ne sais pas… »
Il joua légèrement avec sa main, entrelaçant ses doigts avec les siens.
« Oh! J’ai peut-être une idée… »
Délicatement, il posa la main de Lux sur son torse.
« Vu que je suis occupé à te laver, tu pourrais t’occuper de moi, non ? »
Le temps est bon, le ciel est bleu J'ai deux amis qui sont aussi mes amoureux
LEO & LUX
Comme une précieuse babiole : inestimable pour l’un, jetable pour l’autre.
Elle penche sa tête mouillée d’un côté, regardant, très attentivement, la main de Leo jouer avec la sienne. Elle sent se former dans son estomac une petite boule : qui se soulève au même rythme que son coeur. Quelle sensation étrange qui l’écrase et la soulève successivement, qui lui donne envie de s’enfuir et de ne jamais partir.
Je t’arrête tout de suite : ce n’est pas de la peur. C’est ce frétillement au bout des doigts, une moitié de paralysie, une autre moitié de frénésie. C’est le moment où on a l’intuition, forcément vraie, que l’on est sur le point de découvrir quelque chose d’important. Alors Lux ouvre bien les yeux, et comme à son habitude, se jète dedans sans y réfléchir plus longtemps.
Car il n’y a plus de doutes, ils ne jouent plus au même jeu.
« T’as pas un peu peur ? »
Sa paume, guidée par la main de Leo, se pose sur son torse tiède et palpitant. Ce n’est pas le genre de Lux à refuser de jouer ; même s’il s’agit d’un bain.
« Comment tu vas faire si à chaque fois que je dois me laver c’est toi qui dois le faire ? »
Elle lui offre un petit sourire narquois ; quelque chose, on ne saurait dire quoi, à changer dans son regard. Elle n’essaie plus de l’embrouiller avec son charabia. Elle n’essaie plus de détourner son attention sur autre chose que la situation. Elle comprend, même s’il lui a fallut un peu de temps, qu’ils sont à la fois cobayes et scientifiques.
Toujours plus ou moins assise sur lui, Lux commence à explorer la peau blanche de son ami. Son relief est régulier sous ses doigts fins, depuis son pectoraux jusqu’en haut de sa clavicule, il n’y a pas l’air d’avoir beaucoup de traces de son ancienne vie ; contrairement à elle, du haut de dix-neuf courtes années de vie, ses jambes et ses bras sont parsemées de cicatrices, la plupart dues à des chutes. La plupart.
Ses mains vagabondent, fluides, sur le corps du blondinet, remontent vers son cou et s’arrêtent sous sa mâchoire. Elle ose confronter son regard au sien, deux nuances de bleues, l’une plus bagarreuse, l’autre hypnotisante. Elle se penche vers lui, ses lèvres frôlent presque les siennes mais s’arrêtent au dessus de épaule. Elle tend le bras pour attraper une bouteille de savon derrière lui : une feinte calculée.
Sa deuxième main rejoint celle qui a le flacon en main, enserrant Leo de ses bras. Sa poitrine dénudée vient doucement se coller à son torse, mais la concernant, elle ne ressent aucune gêne. Le liquide coule dans le creux de sa main, et les secondes passent beaucoup plus lentement.
Elle repose la bouteille et sans rien dire, (et tu peux remarquer qu’elle n’a pas dit grand chose jusqu’à maintenant : ce qui est assez bizarre venant d’elle.) elle applique avec délicatesse le savon sur le dos de Leo. Elle l’enlace et pose son menton sur son épaule, laissant ses mains libres. Elles suivent avec précision le découpage des muscles de son dos, des ses omoplates et de sa colonne vertébrale jusqu’au bas de ses reins. De son point de vue, elle procède à un check-up anatomique, mais ses gestes précis et doux peuvent faire passer cette curiosité pour une sorte de massage.
« Je m’ennuie pas avec toi. Mais parfois je pense à après, quand tu partiras. Et ça me rend un peu … triste ? Ça gâche tout. Et je n’aime pas ça, c’est un sentiment inutile. T’aurais peut-être dû me laisser dans l’océan. C’est toujours mieux qu’une salle de bain. »
Elle se détache de lui, fait glisser ses mains savonneuses sur ses épaules. Son front presque contre le sien.
« Je reste avec toi, seulement à la condition qu’on ne soit jamais triste ! Oh et ... si tu dis à quelqu'un ici que tu m'as fait prendre un bain, je te rase les cheveux quand tu dors ! »
Tout les deux savent, au final, qu’ils ne sont qu’une distraction l’un pour l’autre. Seulement, Lux se protège comme elle peut ; même si ce ne sera pas suffisant.
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