Son passéVous voulez connaître mon passé... ? Un passé peu glorieux, fait de rose et de noir, où rien n’était heureux et rien n’était malheureux ? Il n’y avait ni torture, ni même éloge. Ma vie, mon passé, a toujours été d’une pureté grandiose, et je me moquais de l’avis des autres... alors que je n’étais qu’une enfant.
Une enfant née dans la ville côtière de Santa Monica. Savez-vous où se situe ma ville natale ? Je vais vous le dire : à l’ouest de Los Angeles, en Californie, enclavé entre la grande ville célébrissime en son genre et connue notamment pour son quartier des stars, Hollywood (et non pas Hollywood chewing-gum !), et l’océan Pacifique. Je puis vous assurer que mon enfance avait été merveilleuse à Santa Monica. J’y passais des étés sublimes, et j’aimais me promener dans l’eau, sans pour autant décider de nager plus en profondeur ; j’avais bien trop peur de me noyer devais-je vous avouer ! Malheureusement, les choses dérapèrent bien rapidement.
Mon père avait été muté à Los Angeles. Je n’aimais et n’avais jamais aimé cette ville, et je souhaitais ardemment rester dans ma maison de Santa Monica, mais mes parents ne pouvaient pas faire autrement, ils me disaient : « Agatha, ne t’en fais pas, nous y retournerons pour les vacances », mais rien ne serait pareil. Je ne voulais pas me rendre à Santa Monica uniquement dans le but de passer de formidables vacances ; j’étais née là-bas, alors pourquoi devrais-je quitter une ville que je voulais pour lieu de mort ?
Allais-je devenir la même que ces Angelins riches que côtoyait mon père pour le travail, dans le but d’obtenir une promotion et d’avoir davantage d’importance au sein de sa société ? Je n’en savais guère, et je ne voulus le savoir. Santa Monica me manquait bien trop, comme ma grand-mère qui, maintenant, depuis la mort de grand-père, était seule dans son immense demeure près de la plage. Comment allais-je m’en sortir dans une ville que je considérais comme le Mal incarné ?
Finalement, ma vie ne fut pas aussi désastreuse que je le pensais. Je retournais souvent en vacances chez ma grand-mère, à Santa Monica, et j’y passais des étés bien plus mémorables que ceux que j’avais pu passer lorsque je vivais encore dans ma ville natale. Le reste de l’année, je me sentais terrifiée par mes camarades de classe ; ils avaient tous des personnalités charismatiques et un savoir qui me fascinaient. Moi, qu’avais-je en face d’eux ? Pas grand-chose ; ils n’avaient même pas l’air timides, alors que moi, je restais souvent à l’écart de mes camarades trop impressionnants pour mon petit caractère.
Je rêvais d’un monde utopique dans lequel il faisait bon d’y vivre et où les relations ne seraient pas aussi compliquées que dans la réalité. Mais je devais rêver, n’est-ce pas ? Il ne pouvait exister d’utopie ; sinon, personne ne qualifierait cela de fiction, de rêve...
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Peu de temps après mon anniversaire —je fêtais mes vingt-deux ans—, je me rendis à Santa Monica pour l’enterrement de ma grand-mère que j’aimais tant. Elle était morte de vieillesse, supposaient mes parents. Mon père avait réussi dans son entreprise, et était maintenant plus riche que ces angelins qu’il côtoyait quotidiennement ; aucun de mes deux parents n’exprimaient leur envie de se rendre à l’enterrement d’une « malade mentale ». Mais ils mentaient ; pour avoir passé de longs moments avec elle, elle n’était en rien une « malade mentale », ou une « cinglée » comme ils le prétendaient. Alors je m’y rendis. Je devais vous avouer avoir beaucoup pleuré, même un peu trop. Mais c’était l’enterrement de ma grand-mère, et j’avais le droit de verser des larmes, quitte à me déshydrater.
Finalement, je décidais de me rendre sur la plage, en souvenir à ces bons moments que je passais avec elle, alors que nous discutions de choses et d’autres. Elle allait me manquer. Je me souvenais maintenant de ses mots, alors que je lui parlais de mes rêves utopiques pour un avenir meilleur, pour un monde meilleur. Elle me citait Shakespeare dans ces moments-là : « la perfection, poussée à l’excès, meurt », me disait-elle sans cesse. Je ne comprenais pas ses mots, mais je savais que la perfection, que l’utopie, ne devait pas être abusive, au risque d’engendrer sa propre mort, supposais-je à mon jeune âge.
Alors que j’avais décidé de tremper mes pieds dans l’eau, tout devint noir.
La suite, vous la connaissez.
J’étais maintenant entraînée dans une expérience utopique à Sindety... j’en avais toujours rêvé, devais-je me soumettre ?
Son avis sur le Fil RougeJe ne savais que penser de cette organisation, le Fil Rouge. Je pensais qu’ils oeuvraient pour le bien de tous, à vouloir créer un univers utopique, mais je me rendis bien vite compte que leurs méthodes n’étaient pas forcément justes et pures : ils enlevaient des personnes qui n’avaient rien demandé pour les introduire dans leurs expériences douteuses. Bien sûr, je trouvais cela touchant de vouloir créer des âmes sœurs, et je me disais que cela me permettrait plus facilement d’enfin m’entendre réellement avec des personnes de mon entourage.
En fin de compte, j’étais heureuse de faire partie de cette expérience. Après tout, je vivais enfin le rêve que j’avais tant souhaité, et je ne pouvais pas me plaindre. Le Fil Rouge était définitivement une organisation juste et incroyablement fascinante, et je me soumettrai à leur autorité, peu importe ce qu’ils font.
Ses projets pour l'avenirJe ne souhaite pas rentrer chez moi ; Los Angeles, Santa Monica, je n’ai plus réellement de « chez moi », et Sindety est une ville formidablement utopique, et l’utopie étant mon rêve, je ne peux qu’accepter d’y vivre pour l’éternité.
Peut-être changerais-je d’avis ? Je ne sais pas, mais pour le moment, cela me plaît.