les rp abandonnés

Le quartier était bien calme, cette nuit. Si Anna avait l'habitude de rentrer chez elle à des heures impossibles dans le silence nocturne le plus total sans gêner personne, il lui semblait cette fois que des centaines de paires d'yeux perçants la jugeaient derrière chaque fenêtre. En particulier les fenêtres de sa maison, à côté de laquelle elle passa sans y entrer, puisqu'un élément perturbateur s'était incrusté dans la fin de sa nuit.

Cet élément possédait des cheveux blonds qui reflétaient la lune et un très joli minois, marchait près d'elle et se nommait Archibald. Elle observa ses traits tandis qu'il cherchait des yeux sa propre habitation parmi tous ses sosies, à la lumière des lampadaires. Lorsqu'il la trouva, elle laissa échapper un fin sourire. Ils étaient donc si proches que ça... A peine deux maisons les séparaient. Le monde était petit... Surtout quand on était coincé sur une île.

Il l'invita à entrer, elle entra. Elle se laissa guider jusqu'à la cuisine, où elle alla s'adosser contre le mur de l'autre côté. Lui semblait chercher quelques chose. Il prit enfin la parole.

- j’sais pas si mon… si c’qui me sert d’âme-sœur,
est présent.

Un rire franchit les lèvres d'Anna. Quelle façon de parler de son colocataire annuel... Même elle respectait plus Lauryn que ça. D'un autre côté, Lauryn n'était pas vraiment dure à vivre. Voire pas du tout.

- Il est si affreux que ça ? demanda-t-elle en l'observant s'affairer.

Archibald commença à parler de charlottes aux fraises. Il trouva son livre de recettes, le feuilletta, et lut pendant un long moment les indications. Anna ne dit rien. Elle se contenta de regarder ses yeux glacés parcourir consciencieusement les lignes. Elle y reconnaissait l'éclat professionnel de celui qui se trouve dans son élément. A savoir, ici, la pâtisserie.

- Ca devrait aller, l'entendit-elle murmurer.

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas mangé de charlotte. Ces desserts avaient le large avantage d'être légers et rafraichissants. Elle n'aimait pas sentir lourde. Cela lui donnait l'impression que n'importe qui pouvait l'atteindre sans qu'elle ne soit assez rapide pour résister. Elle esquissa un sourire.

Archibald avait quitté son énorme livre des yeux. Désormais, il la fixait. Elle soutint son regard aussi froid que flamboyant.

- T’es une femme de caractère, toujours sur ses gardes.

Elle sourit.

- C'est vrai.

Et pourtant, elle le laissait approcher. En quelques pas, il était devant elle. Il avait dépassé largement la distance respectable d'une conversation convenante. Mais elle l'avait laissé approcher. Il était plus grand qu'elle, mais ne la dominait pourtant pas de sa hauteur. Elle leva les yeux vers lui, ne quittant ni son regard ni son propre sourire.

- Tu sembles toujours sur tes gardes. Au fond, t’es inaccessible.

- Peut-être bien, répondit-elle d'un ton très bas, relevant la tête.

Il se pencha vers elle, réduisant encore un peu la distance qui séparait leurs visages. Doucement, il lui murmura :

- Peut-être que la charlotte te rendra plus… accessible ?

Elle ne répondit pas. Peut-être parce qu'il n'y avait pas besoin de réponse. Ou bien parce que ses lèvres était scellées par celles de l'ange moderne qui lui faisait face. Elle sentit sa main sur sa joue, mais ne résista pas. Tous deux savaient de quoi ils retournait dès qu'ils avaient mis les pieds dans cette maison, après tout. Elle passa ses mains derrière la nuque du blond et approfondit le baiser.

Le brasier était allumé. Se rapprochant un peu plus de lui, elle rompit finalement le baiser pour lui susurrer à l'oreille :

- Peut-être bien. Mais laisse la cuisine à la charlotte, il y a sûrement une pièce plus intéressante à visiter.

D'un air malicieux, elle lui mordilla légèrement le cou.